Les souffrances lombaires de type mécanique, réagissant à l’effort, ou à la position, ne relèvent pas toutes de conflits locaux, d’origine discale, pré-arthrosique ou musculaire. Ainsi, à l’origine de ces douleurs, il existe plus souvent des causes profondes, sinon cachées, d’origines viscérale.
Motif de consultation :
Madame T consulte pour des lombalgies basses : douleur de la charnière lombo-sacrée, irradiant dans la fesse et le flanc gauche. Douleur plus ou moins permanente, plus agaçante qu’intolérable. Douleur pire au froid, au réveil, après une station assise prolongée, améliorée par la chaleur et les massages.
Anamnèse :
Aujourd’hui, à 35 ans, a eu 2 enfants, âgés maintenant de 2 et 5 ans. Elle est droitière, et travaille comme caissière dans un supermarché.
Elle a eu une entorse grave de la cheville gauche il y a 5 ans, elle corrige un astigmatisme léger de l’œil droit. Elle reconnaît une constipation de fond et à recours régulièrement à des laxatifs. Elle a été obligée d’abandonner le jogging depuis 3 mois. Une contraception orale est bien supportée. Son alimentation est moderne et rapide. Elle boit peu. Pas de surpoids, c’est une jeune femme tonique, vive et non fumeuse.
Examen :
Les radiographies lombaires ne révèlent rien d’anormal. Les antalgiques et autre AINS ne s’étant pas révélés efficace ont été abandonnés. Pas d’autre traitement.
Légère attitude scoliotique : convexité lombaire gauche, centrée sur T12 L1. L’épaule gauche est un peu plus haute. La tête est légèrement inclinée à gauche.
Les 2 membres inférieurs sont égaux, il n’y a pas de signe de Lasègue. Le membre inférieur gauche est en rotation externe.
En décubitus, à l’inspiration, on note une amplification thoracique moindre à droite et elle signale à ce moment de l’examen, un léger essoufflement récent à l’effort. Le ventre est souple, sauf dans la région caecale. La racine du mésentère est peu mobile et le cadre colique est très sonore. Le psoas gauche est tendu, voire spasmé.
La région hépato-biliaire est sensible et la coupole droite du diaphragme est peu mobile en position haute (expire).
On poursuit l’examen physique qui révèle à la palpation, un angulaire de l’omoplate gauche tendu et sensible à son insertion inférieure : C2 est trouvée en translation gauche.
Les tissus sous l’occiput droit sont plus tendus.
Raisonnement :
Devant ce cas, il convient de réfléchir en mettant en équation la clinique vécue par la patiente et sa demande de soulagement (motif de consultation), et les différentes manières logiques que les structures de son corps a employées pour soulager les contraintes, les tensions, puis les douleurs fonctionnelles d’origine viscérale, dont le dos se fait l’écho.
Dans un rapport de forces normales et en équilibre réciproque, c’est la fonction qui entretient la structure. Dès qu’il y a un déséquilibre, c’est la structure qui perturbe la fonction.
Ainsi :
-l’intestin est la structure de coordination de l’assimilation et l’évacuation : transit, sécrétions, équilibre acido-basique, qualité de la flore intestinale…
-la colonne lombaire représente la structure, l’armature, la référence matérielle physique qui assure les fonctions locomotrices, nerveuse, digestive, génitale, circulatoire, respiratoire, par le système végétatif entre autre…
-on conçoit bien que si l’intestin remplit bien ses fonctions, la nutrition apportera à tous les tissus du corps les matériaux dont il a besoin, pour qu’à leur tour, ils assurent ses fonctions, et deviennent structures en cascade ou en feedback…
-à l’occasion d’un trouble dépassant les capacités homéostatiques de la patiente, stress oxydatif (travail posté dans un supermarché), séquelles d’entorse grave obérant l’équilibre des membres inférieurs, alimentation oxydante, hydratation pauvre etc. Et sans incident notable de type mécanique, voilà la colonne lombaire qui n’en peut plus de subir les tensions imposées par la perte de mobilité des viscères qu’elle supporte.
Nous avons donc trouvé le pivot, organisé sur la perte de mobilité de L1 sur L2, en relation avec la souffrance viscérale caecale.
Raisonnement thérapeutique :
On pourrait dans ce cas, rester symptomatique et local en manipulant L1 pour redonner de la mobilité à la charnière dorsolombaire dont la perte de mobilité projette bien une souffrance mécanique au niveau de la crête iliaque et de sa région.
Ce serait travaillé à courte vue que d’ignorer les vicissitudes sous jacentes d’ordre viscérales, dans ce tableau clinique. Là encore, la sémiologie clinique nous enseigne les projections du viscère sur la paroi et en l’occurrence, la lombalgie sourde, chronique, peu sensible aux évènements mécaniques et rarement d’expression hyper algique ou paralysante comme celle d’origine discale.
Traitement :
L’emploi de la technique de décongestion de l’abdomen, la normalisation des rapports caecaux, et la racine du mésentère, la recherche de la mobilité du diaphragme, la détente du cou et de la base du crâne (en reliant C2 à l’omoplate), ont permis au corps de cette patiente de retrouver un équilibre tel, que, sans toucher à la colonne lombaire dans un premier temps, 6 jours après au téléphone, elle nous a fait part de sa joie de pouvoir recourir sans difficulté, et d’avoir des matins au lever plus souple.
Il reste à cette patiente de prendre conscience de ses erreurs diététiques, pour partie à l’origine des ses troubles et de les corriger progressivement : mieux boire, éviter le côté « fast » du food qu’elle absorbe, utiliser des consiels d’un diéteticien…
Sa cheville qui a gardé l’empreinte de cette ancienne entorse demande à être mobilisée régulièrement.
Il lui faut également prendre conscience de la nécessité de bouger, pour compenser la station assise.